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28/10/2009

La lettre M n° • 1123 : Fiscalité locale : « Rien ne sera jamais plus comme avant »

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Consultant en finances locales depuis 1985, auteur de plusieurs ouvrages sur les collectivités, le Montpelliérain Pascal Heymes décrypte la réforme.

L'Assemblée a voté la réforme de la taxe professionnelle

La réforme de la taxe professionnelle (TP) vient d'être votée par l'Assemblée nationale. Consultant en finances locales depuis 1985, auteur de plusieurs ouvrages sur les collectivités, le Montpelliérain Pascal Heymes décrypte la réforme.

À partir du 1er janvier prochain, la taxe professionnelle va disparaître. Par quoi sera-t-elle remplacée ?
Dès 2010, par la cotisation économique territoriale (CET) qui, elle-même, comprend deux parties : la cotisation locale d’activité, qui reprend l’ancienne composante de la TP fonction de la valeur ou du prix de revient des bâtiments, et la cotisation complémentaire, qui prend en compte la valeur ajoutée. En gros, c’est 80 % de l’assiette fiscale de l’impôt sur les activités économiques qui disparaît. Pour les entreprises, qui paieront directement à l’État, c’est un allégement très sensible des impôts qu’elles payent, de l’ordre de 10 milliards d’euros.
Pour les collectivités, que réserve l’année 2010 ?
2010 sera une année de transition. L’État va faire comme si la TP n’avait pas été supprimée. Il va calculer des bases de TP, et verser une compensation par rapport à ce calcul. Il garantit aux collectivités, soit leur produit de TP 2009, soit un produit de TP calculé à partir de bases fictives, qu’il a calculées en 2010, multiplié par le taux de TP 2008. Il garantit le plus élevé des deux. Donc, en 2010, l’impact sera faible. C’est en 2011 qu’intervient le grand chambardement, qui touche les collectivités percevant la TP. En clair, les Agglos, les Départements et les Régions. Les communes ne sont que très peu concernées par la réforme.

Georges Frêche annonce pourtant un budget de l’Agglo « en berne » dès 2010, pour cause de suppression de la TP. A-t-il raison de sonner le tocsin ?
Il a à la fois raison et tort : il a raison dans la mesure où il aurait pu, sans la réforme, augmenter ses taux d’imposition en 2010. D’autre part, l’Agglo a une assiette fiscale très dynamique, qui augmente de 6 à 7 % par an depuis deux ans. Il peut donc bénéficier de l’effet d’assiette, mais cet effet sera calculé par rapport au taux de TP 2008.
Mais il a tort, dans la mesure où l’Agglo devrait toucher 26,6 M€ de recettes supplémentaires en 2011 par rapport aux recettes actuelles (112 M€ de TP en 2008). Et cela grâce au nouveau panier de recettes fiscales prévu par le projet de loi du gouvernement. Cela dit, au final, l’Agglo ne conservera pas ce montant, qui sera prélevé, l’État ayant prévu une compensation pour les Agglos perdantes, financée par les collectivités gagnantes.

Les départements se plaignent de perdre leur levier fiscal. Est-ce une réalité ?
Effectivement, il ne resterait aux départements que la taxe sur le foncier bâti et la cotisation complémentaire. Or le taux de cette dernière, qui est fonction de la valeur ajoutée des activités économiques, sera fixé nationalement. Départements et régions encaisseront un impôt national, calculé sur un taux national. Selon le projet initial, il serait réparti pour 75 % vers les départements, et 25 % en faveur des régions. Un amendement, défendu par le rapporteur du budget, Gilles Carrez, propose que la part des départements soit réduite au profit des communes et les intercommunalités, qui en prendraient 20 % (*). Si les départements peuvent encore agir sur le foncier bâti – et je plains les propriétaires –, les régions n’auront plus aucun levier fiscal.

Et pour les communes ? Quelles seront les conséquences ?
Si les communes sont peu touchées par la réforme, elles risquent de l’être indirectement. Elles bénéficient aujourd’hui de retours de la part de l’Agglo, les programmes d’intérêt général. Les Agglomérations peuvent décider de les réduire, ou de les supprimer, si elles ont moins de recettes. Quant aux communes rurales, elles risquent d’être touchées par la baisse des aides des conseils généraux. À terme, les aides des départements et de la région vis-à-vis des collectivités locales, mais surtout des départements, vont être réduites. Quels que soient les discours actuels. Après cette réforme, rien ne sera jamais plus comme avant. On change d’époque. Et ce changement d’époque va fatalement amener les collectivités à rationaliser leurs actions.
Recueilli par Henri Frasque
(*) Interview réalisée avant le vote du budget.

+ sur www.lalettrem.fr

De quelles ressources supplémentaires bénéficieront les Agglos ?
Les choses ne sont pas encore complètement arrêtées. Dans le cadre du projet de loi, ne reviendrait aux Agglos que la cotisation locale d’activité, c’est-à-dire l’ancienne part de TP fonction du prix de revient des bâtiments. Mais les communautés d’agglomération récupèreront également en 2011 le taux de TP du Département et celui de la Région, et le taux de TH du Département. Elles devraient également réintégrer la taxe sur le foncier bâti régional et les taxes sur le foncier non bâti régionale et départementale, qui représentent très peu de choses. Ce sont également les Agglos qui percevront les taxes sur les éoliennes, sur les transformateurs, l’imposition sur les antennes de téléphonie mobile, qui sont des nouveaux impôts.

Les Agglos sont donc gagnantes, au final ?
Non, car l’effet réduction de l’assiette est plus fort que l’effet intégration des taux du département et de la région. Montpellier est une exception : elle a peu d’industries sur son territoire ; elle se situe dans un département et une région où les taux d’imposition sur le TH et le FB sont élevés ; et elle a des surfaces commerciales importantes. Or la réforme prévoit que les agglomérations percevront à la place de l’État la taxe sur les surfaces commerciales supérieures à 400 m2. Mais même si l’Agglo est gagnante, l’Etat lui prendra ce qu’elle gagnera.

Que peuvent changer les parlementaires ?
Certains parlementaires de la majorité, comme le rapporteur du budget, Gilles Carrez, prônent une redistribution des recette dans le cadre du projet de loi de finances. Il souhaite qu’on fasse tout avant le 31 décembre, et qu’on traite les difficultés à la marge. Ce qu’il propose, c’est qu’une partie de la cotisation complémentaire revienne aux communes ou aux communautés d’agglomération. Il propose qu’au lieu d’avoir 75 % pour les départements, 25 % pour la région, on ait 20 % pour les communes et les intercommunalités, 55 pour les départements, 25 pour la région. Mais, en contrepartie, les intercommunalités n’auraient plus le foncier bâti. La récupération du foncier régional par les agglos serait redonnée aux départements. En gros, le seul acteur pour qui rien ne changerait serait la région.

Et pour la DGF, quels changements ?
Les communes, comme les communautés, bénéficient de dotations versées par l’Etat, la dotation globale de fonctionnement (DGF). Pour faire simple, une grande partie de la DGF est fonction de la richesse fiscale potentielle. Ce qui différencie les collectivités entre elles, c’est la TP. A partir du moment où la TP disparaît, tout le mécanisme va être modifié. Quel en sera l’impact ? C’est difficile à dire pour l’instant. Aujourd’hui, l’Agglo de Montpellier est encore pauvre fiscalement, même si ses bases de TP progressent vite, parce qu’elle a peu d’entreprises. Demain, la TP disparaissant, et la richesse fiscale de la communauté d’agglomération reposant essentiellement sur les ménages, elle va être considérée comme moins pauvre qu’elle ne l’est actuellement. Donc il risque d’y avoir des modifications assez sensibles sur la DGF. Je pense que l’Agglo de Montpellier en percevra moins. C’est un effet qui se fera sentir à partir du 1er janvier 2012.

Que change cette réforme ?
Rien ne sera jamais plus comme avant. La TP a été un impôt extrêmement dynamique, qui progressait plus vite que la richesse nationale. Parce que la base était constituée d’un stock initial, auquel on rajoutait à chaque fois une couche, correspondant aux nouveaux investissements réalisés par les entreprises. Avec la valeur ajoutée, on n’a plus affaire à un stock définitivement acquis. C’est un impôt plus moderne, mais qui ne produira plus les mêmes effets qu’avant. Sur la plus grande partie de l’impôt nouveau, la cotisation complémentaire, c’est l’Etat qui décidera du taux. Les entreprises participeront moins au financement des services et des équipements publics locaux. Les ménages pourront-ils faire un effort supplémentaire en payant davantage d’impôts ? Les limites vont vite être atteintes

Verbatim

Georges Frêche, président de la Région et de l’Agglo de Montpellier
« Pour le budget 2010, je suis dans le flou. Alors, on commence à le mettre en berne. Sans la taxe professionnelle, la 4e ligne de tramway, prévue pour entrer en service en 2016, sera reportée en 2020. La priorité sera de reconstituer notre capital et nos capacités d’endettement. »

Raymond Couderc, sénateur-maire UMP de Béziers
« Les Agglomérations ne devraient rien perdre. Le président a annoncé que nous aurions une compensation équivalente en 2010, et qu’elle serait maintenue en 2011 et au-delà. L’un des éléments essentiels de la nouvelle architecture, c’est le lien entre le territoire et la ressource fiscale. »

Marcel Rainaud, président PS du conseil général de l’Aude
« Pour 2010, nous risquons un effet de cisaille dans certaines de nos actions essentielles. Pour la première fois depuis 10 ans, je ne serai peut-être pas en mesure de garantir les investissements des communes. »

Jean-Paul Pourquier, président UMP du conseil général de la Lozère
« Nous sommes dans l’expectative par rapport à la façon dont la TP sera compensée. Notre souhait, c’est que le gouvernement veille à une péréquation entre les collectivités, car la réforme risque de créer des inégalités entre les départements. »

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