15/04/2012
Naissance d’un Centre de recherche écologique et évolutive sur le cancer
Hérault du Jour : LE CANCER, CET ÉCOSYSTÈME AU COMPORTEMENT DARWINIEN
13-04-2012 - Dernière mise à jour : ( 13-04-2012 )
Michael Hochberg, Frédéric Thomas et Urszula Hibner sont à l’origine de la création du premier institut qui étudie le cancer avec un point de vue évolutif en France. PHOTO HG
Trois chercheurs montpelliérains travaillent à la création d’un nouveau Centre de recherche écologique et évolutive sur le cancer.
Voilà qui va révolutionner complètement la façon dont on considère le cancer aujourd’hui. Trois chercheurs montpelliérains regardent les cellules tumorales à la lumière des principes darwiniens de la sélection naturelle. Une perspective qui change tout.
« Une tumeur est un écosystème et les cellules cancéreuses ont un comportement darwinien, pose le biologiste Frédéric Thomas (CNRS/IRD). Elles ont des capacités différentielles - certaines se multiplient plus que les autres par exemple - ces variations sont héritables et les cellules sont en compétition pour des ressources limitées. Dès lors on peut avoir de la sélection naturelle ».
Cet angle de vue permettrait de comprendre des aspects de la maladie mal expliqués, comme par exemple la perte d’efficacité de certains traitements au cours de la thérapie. « Dans de nombreux cas, la chimiothérapie va tuer la majorité des cellules cancéreuses, mais il va parfois en rester quelques unes qui sont résistantes. Le cancer va redémarrer à partir de ces variants contre lesquels le traitement ne marche pas ». Les cellules survivantes, insensibles aux traitements, se trouvent dès lors sans concurrents pour l’accès aux nutriments et à l’oxygène. Elles ont tout le loisir de se développer et de conquérir de nouveaux territoires, par métastases. « La capacité des cellules à migrer et à proliférer est comparable à la dynamique évolutive des espèces invasives, appuie Frédéric Thomas. On sait que vouloir tuer les cellules cancéreuses jusqu’à la dernière, ça ne marche pas à chaque fois. C’est comme pour les moustiques, il vaut mieux assécher le marais. » Les connaissances acquises dans d’autres domaines de recherche pourraient ainsi inspirer des idées innovantes de traitements.
« Trouver le talon d’Achille de l’ennemi »
D’une part les modèles mathématiques permettraient de comprendre la logique de croissance des tumeurs, d’autre part la biologie pourrait se concentrer sur les processus naturels de défense des cellules et leurs déficiences. « Si toutes les cellules avaient la même probabilité de devenir cancéreuses, les grands organismes comme les baleines bleues seraient pleins de tumeurs, ce n’est pas le cas, souligne le biologiste. Ils doivent posséder un système de réparation de l’ADN plus efficace ou un taux de mutation plus faible… cela vaut le coup de voir quelles sont les barrières que la sélection naturelle a retenues contre le cancer ».
Les cellules humaines n’ont visiblement pas la même capacité à empêcher les déraillements… mais l’être humain est doté de ruse et compte mettre à profit ses connaissances pour « trouver les talons d’Achille de l’ennemi soit grâce à l’association de plusieurs drogues ou en utilisant les modalités de compétition entre les cellules saines et malades… » et tous les leviers que ces études pourront mettre en évidence.
A ce jour en France, une dizaine d’équipes travaillent sur le cancer avec une vision évolutive. Parmi eux, les trois chercheurs montpelliérains Frédéric Thomas, Urszula Hibner (CNRS) et Michael Hochberg (CNRS) font figure de précurseurs. Ils œuvrent à la création du premier Centre de recherche écologique et évolutive sur le cancer, un institut transdisciplinaire prometteur qui va bientôt voir le jour à Montpellier.
HÉLÈNE GOSSELIN
*Publications scientifiques internationales.
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